LA BAUTA
La bauta n'était pas utilisée uniquement pendant la période de carnaval, mais c'était un déguisement que les vénitiens portaient en différentes occasions.
La bauta est composée de:
un voile noir ou tabarro un tricorne noir
un masque blanc
Le costume était constitué d'un ample manteau noir qui, partant de la tête, descendait sur les épaules jusqu'à couvrir la moitié de la personne. La tête était couverte du typique chapeau noir à trois pointes (tricorne) et le visage d'un masque blanc à la lèvre supérieure élargie et proéminente sous un petit nez qui modifiait le timbre de la voix, rendant ainsi la personne qui le portait impossible à identifier.
La bauta était aussi bien portée par les hommes que par les femmes : elle était obligatoire pour les femmes qui allaient au théâtre mais interdite aux jeunes filles en attente de mariage.
Pendant le carnaval, vénitiens et vénitiennes se permettaient toutes les audaces, et la bauta leur garantissait le plus parfait anonymat. On dit que même les prêtres et les nonnes portaient la bauta pour protéger leurs fugues amoureuses.
Le tabarro aidait à dissimuler, pendant la période du carnaval, toutes les transgressions à la loi. Il était composé d'un petit manteau, doublé sur les épaules. Il pouvait être de drap ou de soie selon la saison, blanc ou bleu azur, rouge écarlate pour les jours de gala, quelquefois décoré de colifichets, franges et pompons "à la militaire". Pour les femme il était, le plus souvent, noir l'hiver et blanc l'été.
LES FAISEURS DE MASQUES
A Venise, le masque n'était pas porté exclusivement pendant la période du carnaval.
Dès lors, un véritable commerce se développa autour de cet artisanat.
C'est sous le Doge Foscari, que les "maschereri" (faiseurs de masques), eurent leur propre statut, daté
du 10 avril 1436.
Ils appartenaient à la "frangia" des peintres et étaient aidés par les "targheri" qui imprimaient sur le stuc des visages à la physionomie parfois ridicule et avec abondance de détails.
LE MÉDECIN DE LA PESTE
Un des fléaux majeurs de Venise fut certainement la peste qui à plusieurs reprises toucha la ville. Pour cette raison, "le médecin de la peste" n'est pas un véritable déguisement mais plutôt un accoutrement porté par les "médecins de la peste", médecins qui allaient visiter les pestiférés, habillés de la sorte.
Le costume du "médecin de la peste" est assez particulier: le médecin porte une tunique de lin ou de toile cirée et un masque qui le fait ressembler à un grand oiseau (on le comparait d'ailleurs à un lugubre vautour).
Sur le masque, il portait des lunettes et il était toujours accompagné de sa fidèle baguette avec laquelle il soulevait les vêtements des pestiférés, imaginant que masqué de la sorte la terrible maladie ne pouvait pas l'atteindre.
PRINCIPAUX PERSONNAGES DE LA COMMEDIA DELL'ARTE
La Commedia dell'Arte est un théâtre anti-littéraire: elle se joue non à partir d'un texte rédigé à l'avance, mais d'un simple canevas, d'un "scénario": par exemple un galant fait remettre un billet d'amour à une jeune fille à la barbe de son propre père, le grotesque Pantalon. A partir de là, les acteurs improvisent, construisent un dialogue. La pièce est ainsi une sorte de création collective.
Dans ce système tout repose sur l'acteur. Le succès dépend de la vivacité de ses répliques, et de leur à propos. Encore faut-il que ses partenaires ne lui gâchent pas maladroitement ses effets: ils doivent savoir s'effacer au bon moment ou au contraire intervenir promptement pour l'aider lorsque l'inspiration lui fait défaut.
Cela suppose dans la troupe, une grande unité, une grande solidarité, qui rendent difficile le remplacement d'un comédien.
La perte de l'un d'eux est toujours une catastrophe pour la troupe. Car l'aptitude à jouer sur le champ suppose une longue pratique : quand on n'a pas de texte, il arrive que l'on soit pris de court. Il existe alors des techniques pour combler le vide : on peut faire des grimaces ou des contorsions, mimer une suite d'épisodes, ou avoir recours, aux lazzi. Ce sont des gestes ou des plaisanteries stéréotypées, comme de donner une gifle avec le pied ou de puiser dans un chapeau des cerises imaginaires pour en jeter les noyaux au visage du partenaire, à moins que , comme Arlequin, on ne préfère attraper une mouche au vol et la croquer avec délice.
Cela fait toujours son effet. Car, dans ce théâtre la parole n'est pas en définitive la ressource essentielle.
C'est la "composition" de son personnage, son allure, son costume et sa façon de se tenir, qui décident du succès.
Le côté comique (de ce théâtre) réside dans les ridicules ou les monstruosités de la nature, dans les visages déformés, les nez caricaturaux, les fronts pointus, les crânes chauves, les longues oreilles, les jambes torses.
Ces défauts peuvent être reproduits au moyen de masques ou par l'art, et sont aussi risibles lorsqu'ils sont copiés, qu'ils sont tristes et pitoyables dans la vie. Tout est donc dans le jeu et les subtilités de l'apparence: la base de ce théâtre, c'est la caricature populaire.
Cela explique son succès. Il faut ajouter en outre que la Commedia dell'Arte reflétait en les exagérant les ridicules et les particularités locales, si importants en Italie, tout spécialement les dialectes, qui étaient un objet de moquerie d'une ville à l'autre: on rit de l'accent vénitien à Florence, de l'accent bolognais à Venise et de l'accent de Bergame partout, un peu comme en France, on rit de l'accent marseillais. Mais surtout la Commedia dell'Arte présentait le reflet de la vie populaire: dans le Pantalon qui vient d'entrer en scène le spectateur reconnaît son voisin ou son propriétaire. A cet égard, elle est vraiment un théâtre de la rue: elle nous présente des types dans lesquels s'incarne la malice populaire.
PANTALONE
C'est le personnage vénitien le plus connu. De sa première apparition dans les compagnies de la Commedia dell'Arte, Pantalone, "le vieux", appelé "le Magnifique", s'exprimait dans le franc parler vénitien. On dit que son nom viendrait de Saint Pantaleone, un des saints les plus vénérés de la ville et à qui une église a même été dédiée. Pantalone est un vieux marchand, souvent riche et estimé de la noblesse, mais il peut aussi incarner un vieux marchand ruiné (Pantalone des miséreux) : dans tous les cas il reste un vieux tout à fait particulier parce que malgré son âge il est capable de faire ses "avances" amoureuses qui n'aboutissent jamais de manière positive. C'est un homme d'une grande vitalité dans les affaires, au point de sacrifier le bonheur de ses enfants et l'harmonie familiale pourvu qu'il puisse "arranger"
quelques mariages avantageux.
Le costume est composé d'un béret de laine grecque, une veste rouge, de hauts de chausses, ou courtes braies, avec une ceinture à laquelle pend une épée, un
mouchoir ou une bourse. Sur les épaules, il porte un manteau noir souvent doublé de rouge à l'intérieur, ses pieds sont chaussés de savates noires ou de babouches à la turque avec les pointes retournées vers le haut. Sur le visage, le masque caractéristique met en évidence son nez crochu, ses sourcils broussailleux et une curieuse barbichette pointue qu'il caresse du bout des doigts.
Le costume de Pantalon était parmi les plus portés par les vénitiens pendant le carnaval tant il était représentatif d'une noblesse qui se perdait en luxes et frivolités. Pantalon était à lui seul le modèle de l'esprit commerçant et du sens des affaires qui commençait à s'installer dans la bourgeoisie vénitienne.
COLOMBINA
Malicieuse et charmante servante de la Commedia dell'Arte, personnage comique qui n'est pas vraiment un exemple de vertu à l'instar d'Arlequin son éternel soupirant, Colombine attire les sympathies par une coquetterie bien propre à la gent féminine. Elle n'est pas connue uniquement sous ce nom, mais également sous celui d'Arlecchina, Corallina, Ricciolina, Camilla et Lisetta, devenant ensuite la très élégante "Marionnette" dans la "Veuve rusée" de Carlo Goldoni.
Son habit est simple, semblable à celui d'Arlequin, avec de nombreuses pièces colorées. Elle est coiffée d'un bonnet blanc, de la même couleur que son tablier. Parfois son costume ressemble à celui des servantes du XVIIIe siècle cependant, il est rarement accompagné d'un masque.
Colombine parle en dialecte toscan , mais comme
son amoureux, elle ne dédaigne pas les autres patois.